On m'a raconté, dans le temps, une histoire qui m'a beaucoup
amusé.
Un monsieur était mort après avoir recommandé
qu'on incinérât son corps.
Quand l'employé ad hoc demanda à la veuve quel
genre de crémation elle désirait pour le défunt (du
four français ou du four milanais ?) la pauvre femme s'écria
vivement : - Oh ! monsieur, le four français ! Mon cher mari ne
pouvait pas sentir la cuisine italienne.
Ce bel exemple de piété conjugale m'est revenu à
la mémoire en apprenant qu'un comité de perfectionnement
des services de la crémation fonctionnait activement à la
Préfecture de la Seine.
La composition de ce comité n'est point sans intérêt
: les médecins y sont en majorité, Dr Bourneville, Dr martin,
Dr Napias, etc..
Pourquoi tous ces docteurs ?
Je comprends qu'on tienne à sa clientèle, mais s'y intéresser
jusqu'à la combustion inclusivement, me semble le fait d'une insistance
fâcheuse. Trop de zèle, messieurs !
Les reproches qu'on fait à la crémation, telle qu'elle
a été pratiquée jusqu'à aujourd'hui, sont assez
pittoresques.
Ainsi, les règlements du Père-Lachaise autorisent seulement
cinq personnes du convoi à assister à l'opération.
Pourquoi cet exclusivisme rigoureux à l'égard d'une représentation
dont on ne donnera pas de seconde et qui n'a pas eu de répétition
générale ?
Et, sur les cinq assistants, un seul a le droit de suivre, par un regard
spécial réservé aux employés, les progrès
de l'incinération.
Cet unique voyeur constitue-t-il un contrôle sérieux ?
Et puis, pourquoi ce contrôle ? Craint-on que l'administration
ne dérobe le macchabée ? Qu'en ferait-elle, je vous le demande
un peu ?
Pendant que ces cinq privilégiés se chauffent au feu
du feu (un joli mot, en passant), les autres invités vont tuer le
temps autour du columbarium. Alors, qu'arrive-t-il ? Le vent rabat sur
ces gens une fumée qui n'est pas seulement celle du charbon.
Sensation extrêmement désagréable ! Car, enfin,
on peut avoir eu un monsieur dans le nez, durant sa vie, sans éprouver
le besoin de le renifler encore après son trépas.
D'autres détails pénibles seront évités
dorénavant.
La commission élabore un projet de funérailles décentes
et même somptueuses.
L'idée de transformer les défunts en briquettes, pour
le chauffage des héritiers, a été définitivement
écartée.
C'est égal, quelle drôle d'idée d'avoir mêlé
tous ces médecins à cette histoire !
La prochaine fois que je serai malade, ce n'est certainement pas le
docteur Napias que j'enverrai chercher.
J'aurais trop l'obsession de me dire :
- Avec celui-là, je suis flambé ! |